Le Croisic Infos

Billet d’humeur : Les Croisicais en pleine crise d’identité !

Suite à l'émission Thalassa et aux nombreux commentaires sur ce site concernant le Croisic, les Croisicais, les « d'origine » et les autres, Yoann Daniel journaliste à Media-Web qui habite le Croisic se demande :
« Qu'est-ce qu'être Croisicais aujourd'hui ? ».

Je ne suis pas Croisicais… Pour les Croisicais. Parce que franchies les frontières du territoire communal, il faut bien s’identifier. Aussi à la question rituelle : « Vous êtes d’où ? », les réponses possibles selon le contexte peuvent vous faire basculer dans la schizophrénie : « J’habite au Croisic » ou « Je suis Croisicais » et aussi « Je viens du Centre-Bretagne ». De façon plus terre à terre et plus sportive, les Croisicais ont pris l’habitude de m’appeler « le Guingampais » ou « le furet » de manière plus animale. Un de mes amis, qui vit ici depuis plus longtemps, est encore surnommé « le Bordelais ».
Mieux qu’une carte d’identité, le nouvel arrivant est localisé et qualifié, tout est dit sur lui en un mot. Pas de mauvaises intentions là-dedans, ces sobriquets sont donnés telle des marques d’affection. Et il est rare que l’expatrié se pose des questions quant à son identité. Mais pour ce qui est du Croisicais, c’est un tout autre problème. Les expressions « Croisicais pur souche » et « vrai Croisicais » reviennent régulièrement comme des slogans, comme une revendication.
Pourquoi ce billet ? Parce que Thalassa. Plus précisément à cause de l’article que le site lecroisic-infos.fr a publié sur Georges Pernoud, le présentateur vedette de l’émission, et des nombreux commentaires qui ont fait suite. Un mini-débat sur « l’identité locale » qui déchaîne les passions. La mèche, cette fois, a été allumée par des lecteurs qui ont peu apprécié qu’une écrivaine d’origine parisienne intervienne dans l’émission pour présenter des personnages typiquement croisicais. Pas vraiment légitime, pas vraiment autochtone, pas vraiment Croisicaise, nous dit-on. Peut-être, sans doute, et alors ? À bien relire les propos de Georges Pernoud, dont le contenu semblait bien éloigné de nos préoccupations, il donne à tous ceux qui ont ressenti cette frustration, une réponse : « Thalassa n’est pas une émission de spécialistes ». Bref, ce n’était pas « Télé Côte d’Amour » ou « Pêche à pied TV » en prime time sur France 3, ce vendredi soir-là. Une émission de vulgarisation sur la mer, diffusée sur une chaîne généraliste, avec seule ambition que de faire voyager ses téléspectateurs, voilà ce que c’était, Thalassa. Ce n’était pas un programme pour les 4190 habitants du Croisic dont on se demande combien sont des « vrais de vrai». Et pour ce village (là aussi l’expression employée par le présentateur n’est pas anodine quand on porte un regard extérieur), une campagne de pub extraordinaire dont on mesurera sans doute les effets cet été. Il sera bien temps à ce moment-là de montrer aux touristes l’authentique visage du Croisic au lieu de leur vendre des bols Henriot sur les quais.
À vrai dire, ce soir-là, moi l’expatrié, je me suis senti vraiment Croisicais. Avec cette pointe de fierté et d’émerveillement devant de si belles images et en voyant défiler sur l’écran des gens que je connais. Et de rameuter famille et amis bretons pour qu’ils ne ratent pas l’événement en leur disant : « Vous allez voir comme c’est beau chez moi ». Néanmoins, je me suis également demandé qui était cette dame, et suivant l’émission dans un café, personne n’a été en mesure de me le dire.

C’est un peu triste à constater, mais les réactions négatives sont les symptômes bien connus d’une patiente (Le Croisic) sur la pente descendante : d’abord la nostalgie, puis la mélancolie, et enfin la dépression. Oui, la ville a été une place forte avec son commerce maritime, ses riches armateurs, sa pêche, son club de football. Oui, à côté d’elle, Guérande n’était qu’un bourg fortifié perché sur les hauteurs, Batz-sur-Mer un simple village paludier, La Baule inexistante… Et les Croisicais de regarder constamment dans le rétroviseur. Peut-être par crainte d’affronter un avenir moins reluisant. Car Le Croisic du XXIe siècle est bien éloigné de ces images d’Épinal. Inutile d’en dresser la liste. Mais les commentaires des lecteurs nous interpellent sur un point : les jeunes. À force de parler à leur place, l’incompréhension s’installe. Oui, la jeunesse croisicaise fout le camp, oui, il n’y a pas assez de logements abordables. Mais ont-ils vraiment envie de rester vivre au pays ? Quel est leur avenir ici ? En les ramenant sans cesse 50 ans en arrière avec ces phrases récurrentes que j’ai maintes fois entendues, « Toi, t’as pas connu Le Croisic du temps de sa splendeur », ne les pousse-t-on pas dehors ? Quelle place laisse-t-on à leurs initiatives ? Quelle influence peuvent-ils encore avoir dans une commune où la moyenne d’âge est de 63 ans et où le taux de résidences secondaires est de 61 % ? Leur bonheur n’est-il pas ailleurs ?
Je me repose la question en lisant dans certains commentaires les termes de « représentativité » et de « légitimité », au regard d’un vivier croisicais qui se réduit comme peau de chagrin. 4190 habitants, et combien à classer parmi les « vrais » ? Une telle logique ne laisse guère de place pour les autres, condamnés à chaque fois qu’ils prendront des initiatives politiques, associatives et sociales à entendre le sempiternel reproche. C’est peut-être ainsi que l’influence du Croisic diminue, avec ses guerres intestines et combats d’arrière-garde. Un homme politique croisicais me confiait récemment : « Je suis là depuis longtemps, mais pour eux, je ne suis pas encore Croisicais. Je traîne ça comme un boulet et ce sera toujours un handicap pour moi ». Il y a peu l’ancien maire du Croisic a choisi Guérande pour nourrir ses ambitions politiques, Batz-sur-Mer compte deux conseillères régionales, La Turballe et Le Pouliguen, un conseiller général. Visiblement, dans ces communes, on a été moins regardant sur l’origine.
Le débat reviendra comme les hirondelles au printemps. Et ce n’est pas une question d’irrespect de l’histoire du Croisic et de sa mémoire vivante que d’être interpellé par l’objet même de la discussion. Le Croisic n’est pas mort, mais si la ville veut survivre et inverser la tendance, elle devra tenir compte de la réalité actuelle et laisser toute leur place à ses « immigrés » quelle que soient leurs origines, leurs convictions et leurs conditions sociales.

 

Auteur : YD | 30/01/2012 | 10 commentaires
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Vos commentaires

#1 - Le 31 janvier 2012 à 12h27 par REJOU Roland, Le Croisic
Bravo à vous pour cette belle analyse . Il faudrait faire un recensement pour voir qui s'implique dans les associations Croisicaises et nous verrons alors les soit disants Croisicais de souche qui en font partie .
#2 - Le 31 janvier 2012 à 12h59 par chineur du croisic, 44490
Bel article, je trouve... Cette remise en question est efficace! Quel avenir pour Le Croisic ? Comment sera Le Croisic dans 20 ans ? On m'a toujours dis, le passé construit l'avenir mais encore faut-il bien l'utilisé.... Depuis des années (et même des dizaines d'années), la politique locale est sur le court-terme ou le moyen-terme. Mais l'avenir est sur le long-terme, non ? Notre situation géographique, qui était notre avantage pendant des siècles, est devenu un inconvénient sur ces dernières années (sauf juillet et aout) est-ce normal ?
J'aime ma ville mais elle m'inquiete, quelle avenir peut-elle avoir?
J'ai mon idée, et je suis très pessimiste...
Alors bougeons-nous !!!!(moi le 1er!!!)
#3 - Le 31 janvier 2012 à 15h40 par AntiRaleur
Entièrement d'accord avec l'analyse de Yoan Daniel. + 1.
#4 - Le 01 février 2012 à 05h49 par Traict, Le Croisic
Lors des élections municipales 2008, il a été soufflé aux oreilles d’un candidat figurant sur la liste VIVRE AU CROISIC et notoirement connu sur la place : « mais qu’est ce que tu viens nous emm…..tu n’est même pas croisicais ! Ni tes parents ni tes grands-parents sont enterrés au Croisic ».
Cela montre un état d’esprit déplorable et qui est fréquent sous d’autres formes dans la vie de tous les jours et vous monsieur Daniel, en témoignez.
C’est l’expression d’un racisme marqué. C’est triste. L'article, avec la belle plume de Daniel, laisse un profond sentiment de tristesse.

Même le Christophe Priou a quitté le navire…C’est dire qu’il connaissait l’horizon croisicais !
#5 - Le 01 février 2012 à 09h47 par G. Viaud, Le Croisic
Tout à fait d'accord avec cette analyse. J'ai quelques livres décrivant la transformation de La Presqu’ile depuis le début du tourisme dans les années 1830, alors que La Bôle n'existait pas. Très instructif mais aussi plutôt attristant de voir que rien ne semble avoir changer.
Foin de polémiques, mais il me souvient d'une présentation d'équipe municipale, elle m'avait choquée. C'est évident qu'il faut habiter Le Croisic pour être élu, il n'est pas nécessaire de l'asséner comme une qualité ou une fierté au risque d'interprétations que j'ai d'ailleurs faites.

Maintenant, pour "tuer la bête" faut-il toujours en parler ou la laisser mourir d'elle-même dans la plus parfaite indifférence?
#6 - Le 01 février 2012 à 09h50 par G. Viaud, Le Croisic
Je vois que Traict et moi étions à la même réunion puisque c'est aussi ce que j'ai entendu. Cette réminiscence me met en colère.
#7 - Le 01 février 2012 à 10h03 par L'égyptien, Le Pouliguen
Un bien bel article que celui-ci !

Je pense qu'on peut légitimement se considérer d'une ville (village, région, que sais-je ?) à partir de l'instant où on s'y installe, qu'on s'y attache, qu'on y créé des liens et qu'on fasse vivre le coin…

L'idée donc de rejeter des personnes parce qu'elles viennent d'ailleurs alors qu'elles participent à la vie de la commune me semble bien dépassée et d'un autre âge. C'est ainsi partout, des gens viennent, partent, reviennent, etc.

Pour moi le problème vient par contre de ce chiffre: "le taux de résidences secondaires est de 61 %"… Comment dans ces conditions espérer attirer les jeunes? Les voir partir alors que d'autres monopolisent (en faisant enfler les prix de l'immobilier) les logements pour y passer 15 jours en été me révolte. Malheureusement je ne fais içi qu'un constat, sans solution dans ma poche.
#8 - Le 01 février 2012 à 17h41 par JM, Le Croisic
Bravo Yoann pour ton article
Venu m 'installer au croisic il y a plus de 20 ans , on m'a d'abord surnommé "le brestois" puis maintenant "l'africain" étant donné les déplacements que j 'effectues 6 mois par ans à l'étranger pour mon travail; mais j entends encore des gens me dire aujourd'hui que je ne suis pas un vrai croisicais
Qu'est ce qu'etre un croisicais , vrai ou pas ?
Pour moi le constat est simple; etre croisicaise ou croisicais aujourd'hui, c'est donner de son temps pour notre commune à travers son travail, les associations sportives et culturelles, faire découvrir aux gens notre patrimoine maritime , culturel , gastronomique faire bouger notre commune tout au long de l'année par diverses animations et bien sur :de contruire l'avenir de notre commune afin que les gens (jeunes et moins jeunes )s'y sentent bien pour y vivre
croisicais je le suis et je suis fier de l'etre !
#9 - Le 05 février 2012 à 09h57 par Joël Faou, Le Croisic
Voir le très beau clip sur "you tube" du Duo STETRICE mettant en scène et en relation Le Croisic et Nantes dans une chanson plaidoyer pour l’intégration du 44 en Bretagne « Naoned e Breizh », avec la participation nautique de Ronan le Cossec. Bravo !
http://www.youtube.com/watch?v=QoQocwoTf6E&list=UUp1mYlFlq7yMvFrANhPPjzQ&index=1&feature=plcp
#10 - Le 05 février 2012 à 11h44 par pseudo
Bel article, qui peut s'appliquer bien sûr à beaucoup de "villages" et surtout à ceux du bord de mer qui sont devenus riches à partir des années 50 - 60. Tourisme, et pêche étaient alors en plein essor et donnaient de l'importance à ces endroits magnifiques, si bien situés et bénéficiant d'une qualité de vie très importante. Les habitants pouvaient alors se montrer fiers de leur ville. Partout, ces endroits ont perdu leurs activités et donc leur population jeune. Il ne reste plus que la fierté, d'avoir eu, d'avoir été. Il suffirait sans doute aujourd'hui d'ouvrir un peu ses yeux, son coeur et ses bras à ceux qui n'ont pas eu la chance de naître dans ces beaux endroits pour que la vie animée revienne et reprenne et qu'on soit fiers à nouveau, légitimement cette fois d'habiter au Croisic et ailleurs.

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