L’histoire se passe dans une petite entreprise nautique mais elle aurait tout à fait pu être calquée sur une autre PME. Georges, petit patron d’entreprise doit sauver sa boîte. Étrangle par les banques qui le somment de licencier la moitié de son personnel pour survivre, il va devoir faire face aux réactions des syndicalistes. Ces derniers restent vent debout face aux propositions faites par la direction apprenant que les actionnaires se taillent la part du lion. Ils décident donc d’occuper l’usine.
Jacques Maillot signe ici son troisième long-métrage avec Daniel Auteuil en tête d’affiche. Un film de convictions qui reste encore aujourd’hui peu diffusé au niveau national. Avant la séance il soulignera « C’est toujours un plaisir de voir les vrais gens pour qui on a fait le film ». Pas très à l’aise pour parler, il est meilleur réalisateur qu’orateur, à cause de son humilité.
Le journal Le Monde en aura fait une critique acerbe, les spectateurs du Croisic ont choisi un autre chemin. Mais Le Croisic est « un monde » à lui tout seul… à la fin de la projection, même si quelques avis divergent, la majorité du public aura salué le travail cinématographique du réalisateur et de l’actrice présente, Carole Franck. Le personnage principal de « La mer à boire », incarné par Daniel Auteuil, s’inscrit dans la droite ligne des personnages de Claude Sautet. Et Jacques Maillot ne s’en cache pas « Avec Georges j’avais envie un peu de montrer ces cinquantenaires un peu absents des films français contemporains. Un petit patron passionné en relation direct avec les ouvriers et également en contact étroit avec le monde de la finance. Deux dimensions diamétralement opposées qui font que ces personnes se retrouvent souvent un peu seules. Elles portent un projet où tout le monde attend d’elles qu’elles sachent où aller ».
En toile de fond, c’est un film moderne qui permet de parler du monde d’aujourd’hui, de sa violence dans les rapports économiques et en même temps de remettre au cœur du sujet les rapports humains. À propos de Daniel Auteuil, Jacques Maillot expliquera « Daniel déclenche une empathie immédiate car il fait partie de la mémoire de tous les spectateurs. À l’écran on a envie de le suivre et de l’aimer. Et puis c’est un grand comédien donc il a pu faire plusieurs personnages en un, il s’est beaucoup amusé à décliner les facettes du personnage ».
Dans le public, s’adressant au réalisateur, une spectatrice donnera son ressenti quant à cette projection expliquant « On sort du film un peu abattu devant autant de salauds, cette condensation de drames ne nuit-elle pas à la force du propos ? ». Jacques Maillot répondra, un peu rôdé par la question qui visiblement revient régulièrement dans les débats, « Souvent la première question tourne autour du pessimisme du film. Chacun peut penser ce que vous pensez mais il y a un éventail de réactions. Le fait qu’il parte à Moscou, le type paraît crédible puisqu’il achète un yacht à un million d’euros. Plusieurs sociétés de bateaux que nous avons rencontrées nous ont parlé de ça. Une en difficulté par exemple nous expliquait qu’elle avait un repreneur ukrainien. Dans les films il y a toujours un phénomène de condensation où on ne vise pas la complaisance. Il y avait dans cette dynamique un mouvement de révolte ». Et l’actrice Carole Franck ajoutera « Je ne trouve pas ça invraisemblable au sens que, comme nous tous, je lis dans les journaux que tel repreneur est Russe, l’autre est Chinois. Ils sont devenus des investisseurs, et donc apparaissent dans notre esprit comme des investisseurs crédibles. Et puis quand on parle des emmerdes qui s’ajoutent, quand on a plus le choix, une lueur d’espoir, on n'a pas le droit de ne pas la saisir surtout quand il y a des gens qui travaillent pour vous. Dans la vie souvent les emmerdes arrivent en cascades ».
D’autres spectateurs le féliciteront de l’exactitude représentée dans son film sur les métiers de la plaisance et les rapports syndicaux entre patrons et ouvriers. À ce propos, Jacques Maillot expliquera qu’il est allé voir pour la réalisation du film un militant de la CGT à Montreuil. « Moi j’avais une petite expérience des conflits sociaux en tant qu’intermittent du spectacle car j’avais fait partie des gens qui s’étaient rebellés au moment du changement de statut, donc j’avais vécu ces réunions où l’on décide d’occuper la Comédie Française et Endemol, mais je voulais savoir comment se passait l’occupation d’une usine. Le militant nous a beaucoup aidés et j’ai essayé dans le film de donner ses raisons à chacun, même si elles rentrent en contradiction et sont parfois antagonistes ».
Un autre spectateur plus tard aura la critique plus parcellée. Sans démonter complètement le scénario et la réalisation, il n’encensera pas le film. Il expliquera « Je n’ai pas trop aimé le film, j’ai l’impression que le coup n’est pas parfaitement réussi ; c’est un catalogue des situations actuelles. On voit bien dans les réactions de la salle, chacun trouve le rayon qui lui convient car tous les cas de figures sont là. Il y a au moins deux sujets dans le film, la situation économique actuelle dans la société, et, un petit patron qui se débat dans le monde des affaires. Tous les sujets sont là et semblent un peu tous avortés ».
Une critique qui s’effacera devant un éloge qui aura visiblement ému Jacques Maillot quand une personne dans le public dira « Moi j’ai bien aimé le film par rapport à cette mise en abîme où finalement on a un chef d’entreprise qui vend des objets coûteux à des gens très riches qui vont précipiter sa perte. Puisque ce sont ces gens très riches qui imposent aux banquiers d’avoir des rendements aux actions suffisamment importants pour pas qu’on puisse se permettre de perdre de l’argent ou de ne pas en gagner assez, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. C’est une fin avec le meurtre du banquier qui a précipité la perte puisque c’est lui qui l’a enclenché et c’est très actuel. C’est probablement l’image d’une société finissante, un système qui est en train de disparaître et qui va sans doute déboucher sur autre chose. C’est la touche d’espoir ! ».
Une autre expliquera son émotion en abordant l’histoire de Joël Gamelin, histoire que lui a rappelée « La Mer à boire ». Joël Gamelin, patron de plaisance qui s’est suicidé dans son atelier. Sa fille avait lancé en 2008 un appel à l’aide publique pour payer les salariés. Le spectateur ajoutera « Juste une remarque, votre banquier est bien gentil dans le film car il laisse vendre la maison pour payer les dettes, dans la réalité la maison est gagée. Il y a une chose qui n’existe pas dans le film, l’actualité parle des agences de notations des Etats mais le film ne parle pas des agences de notation des entreprises, je parle de la Coface (Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur), de la Sfac, (qui s’appelle maintenant Euler), qui sont aujourd’hui les premiers facteurs déclencheurs des crises et qui coupent aujourd’hui les crédits fournisseurs des entreprises ».
Jacques Maillot répondra simplement que « L’idée du film était de garder un esprit romanesque et qu’effectivement la réalité est plus compliquée que cela. Même si il y a quelque chose de prosaïque dans le film et qu’on parle de réalité, quand on la recrée, on fait tout ce qu’il y a de possible avec le cinéma. Le cinéma c’est faire ressentir pour faire comprendre. Le message du film c’est surtout cette souffrance de constater qu’on est dans une société où la course à la rentabilité devient folle et détruit partout. Le vivre-ensemble est victime de cette course forcenée à la rentabilité immédiate ».
Le film est diffusé jusqu’à lundi au cinéma Le Hublot au Croisic. Il est possible de le voir à Guérande au Cinéville ainsi que dans trois salles nantaises.
Cinéma Le Hublot, jusqu’à lundi : http://www.cinemahublot.com/
Le 08/09/2021 par Ronnet dans
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